Quelle nécessité de définir et de décrire une activité musicale ?
La réponse pourrait sembler on ne peut plus simple, cependant il ne s’agit pas ici de dire : « aller, on va leur balancer 2 ou 3 notions de solfège et passer ½ heure à faire ‘bling-bling’, ‘tape-tape’ en espérant que ça ressemble à quelque chose » (comme je l’ai trop souvent entendu).
Bref, le propos ne consiste ni à casser du sucre sur le dos de quiconque ou de veiller à l’ouverture d’esprit de nos décideurs mais avant tout de les convaincre de l’impérieuse fonction d’ateliers visant à entretenir des gestes de vie quotidienne ainsi que d’aider au maintien d’un sens à une existence, très souvent perçue comme l’attente d’une suite inévitable.
A. Notion d’adaptabilité
On emploiera le terme « adapté » de manière à indiquer la souplesse à concéder à l’activité. Qu’il s’agisse, du reste, de sport, de lecture, d’apprentissages scolaires, d’informatique, de musique s’adressant à des débutants comme à des confirmés. En effet, les handicaps multiples et variés liés à l’âge ou à certaines pathologies ne permettront pas d’obtenir les mêmes résultats ni même encore de fixer et atteindre des objectifs uniques.
Aussi, appartient il au technicien ou au thérapeute d’évaluer les limites, les capacités des individus avec lesquels, ils seront amenés à travailler, de prendre en compte les limites motrices, les lenteurs de mouvements, les capacités respiratoires (surtout si on ambitionne l’utilisation d’instruments à vent). Ne négliger aucun détail d’infirmité mineure ou majeure voire même dans quelques cas invisible. Ce qui requiert une fine connaissance du public auquel on s’adresse.
B. Pourquoi adapter une séance de musique
1) Appréciation, détection, repérage
L’une des premières étapes consiste à différencier les attentes, les envies et les besoins de chacun.
Différencier aussi le type de participation – à savoir contrainte ou volontaire. Distinguer s’il s’agit d’occupationnel pour le participant ainsi que le degré de motivation personnelle et/ou du groupe.
Seul l’évaluation des ambitions est en mesure de proposer à chacun, des affinités de groupe. Certes les envies singulières peuvent et doivent être satisfaites mais, et voilà toute la finesse de l’adaptation, chacune de ces singularités s’orientent vers la pluralité et donnent lieu à des projets de groupe. Agir de sorte que les sensibilités, les facilités, les connaissances, la créativité deviennent participatives. Contribuant par là-même au bon fonctionnement des ateliers proposés. Cela réclame donc une grande capacité d’analyse de la part de l’animateur afin qu’il déroule le contenu de son intervention en donnant, en quelque sorte l’illusion qu’il s’adresse aussi bien à un individu qu’à tous.
Qui n’a jamais entendu ses élèves, à l’annonce de l’exercice de la séance, s’esclaffer « n’importe quoi », « j’aime pas ça », « je connais pas alors je n’y arriverai pas », « autant que je sorte ça m’intéresse pas, c’est pas pour moi », etc. Et constater en fin de compte que tous quittent le cours avec la satisfaction d’un moment passé exceptionnel, d’une découverte. Il faut laisser la magie opérer pour que chacun se prête au jeu avec le vif sentiment d’avoir participer activement au bon déroulement de la séance.
Bien sûr, rien n’est jamais acquis. Le scénario peut se répéter et donner lieu à des résultats ou attitudes différentes. Soit, et peut importe la manière dont on s’y prend, l’essentiel réside à la réussite aussi minime soit-elle du point de vue des participants comme des intervenants.
2) Adaptation comme renforcement personnel
Poursuivons sur le concept d’adaptation en terme thérapeutique. Je ne suis ni médecin, ni marabout encore moins charlatan opportuniste. En revanche, on peut affirmer que la musique possèdent des vertus qui ne sont plus à démontrer. En tout cas, je ne m’aventurerai pas sur le chemin des jugements de valeur. Non, mon propos consiste à démontrer que grâce aux effets de la musique, certaines fonctions cognitives et comportementales oubliées, négligées ou même jamais explorées se révèlent et suscitent des réactions nouvelles perceptibles ou non.
a) On peut tardivement se découvrir sinon un don en tout cas une certaine dextérité à la pratique musicale (lecture, pulsation rythmique, chant, etc.), instrumentale (utilisation d’un ou plusieurs instruments). Se mettre à aimer une activité que l’on détestait par seule ignorance ou méconnaissance.
b) Élargir ou stimuler son champ des possibles émotionnels. En effet, la musique qu’elle soit écoutée ou pratiquée procure de réels moments de plaisirs favorisant la création d’endorphines (hormones du plaisir) ce qui aide au dynamisme et au mieux être.
c) De plus, apprendre tout en s’amusant (autrement dit, donner un sens à un apprentissage, une pratique) est loin d’être négligeable. Le travail et les efforts consentis pour aller de réussites en réussites, c’est-à-dire progresser renforce indubitablement la part de confiance en soi. On retrouve en règle générale une bonne et une meilleure estime de soi. À plus grand titre si on se l’entend dire d’autrui.
3) Encouragement et valorisation
De toute évidence, le rôle du spécialiste intervenant en qualité de thérapeute ne s’arrête pas à la simple dispense de contenu, il devra être vigilant au progrès et sans cesse encourager et valoriser les efforts.
Ne surtout jamais s’abandonner au trop facile jugement, à la critique, pire aux railleries individuelles ou de groupe par le groupe. Car sans infantiliser, nous verrons qu’il faudra progressivement conduire les apprenants vers la découverte de leurs limites et par là-même les aider à les repousser autant que possible.
Mettant parfois en difficulté l’apprenant, d’où les éventuelles mises en situation délicates, susceptibles de déclencher les moqueries et donc le découragement. Faire également, accepter que la seule limite consiste en notre volonté. Pour conclure brièvement, l’échec en musique n’existe pas, il est seulement la preuve des risques souscrits pour apprendre et progresser.
C. Vers quoi tendre en AMA ?
Ce qu’il faut au premier chef conserver à l’esprit est la notion de plaisir et de partage. Avant d’envisager les bienfaits physiques et cognitifs. Pour de nombreux cas, le premier constat affiche une dépréciation à la fois motrice, cognitive de même qu’une plus ou moins grande perte du goût des émotions qu’apporte la musique. Qu’il soit question d’écoute ou de pratique.
L’art en général favorise pleinement le plaisir de sa propre satisfaction dans sa réalisation. En effet, écouter un concerto, une symphonie, le dernier tube de l’été renvoi à une émotion agréable ou moins agréable. Mais, l’essentiel est de retenir que l’émotion est présente quelque soit sa forme et qu’elle à tout son sens.
C’est précisément parce que les émotions surgissent que l’expression des sentiments devient possible. Et dès lors, l’imagination, la créativité se développent. Découvrir ou redécouvrir ses facultés créatives reste l’axe majeur du processus. Car par le truchement de l’évolution des réussites émanant de notre réflexion consciente ou inconsciente ainsi que de nos sens s’installe petit à petit une réelle estime de soi, une confiance en ses propres accomplissements.
D. Renforcement de l’estime de soi par l’AMA
Bien que convaincu d’être parfaitement autonome par habitude de surseoir aux quelques insuffisances.
Ce que l’on pourrait nommer « remplissage compensatoire ». Certains individus estiment être en pleine capacité physico-cognitive. Or, et c’est tout à fait normal (je pourrais même dire logique et dans l’ordre des choses), la mémoire tout comme la concentration et la motricité (réflexe, vitesse d’exécution, rapidité d’intégration des gestes nouveaux, etc.) réclame un entretien quotidien et rigoureux. La pratique musicale offre un large spectre dans le champ des possibles de l’entretien de ces facteurs vitaux nécessaires à la conservation d’une autonomie comportementale et psychique.
1) La mémoire
De toute évidence, la pratique d’un instrument de musique ou du chant, réclame la mise en œuvre de la fonction de mémorisation. Qu’il s’agisse des paroles, des rythmes, une technique instrumentale, les signes de la partition, la mémoire est constamment sollicitée d’où l’ incontestable utilité de la pratique musicale sur ce domaine.
2) La concentration
De même, nul besoin d’expliquer longuement que l’art musical se nourrit de concentration pour la lecture des notes, l’observation et le respect du tempo (pulsation) par exemple. Également, pour faciliter l’écoute des autres (pour le travail en groupe) et l’écoute de ses propres sons pour les corriger et les améliorer.
Aussi la mémoire et la concentration s’acquièrent, se développent, s’automatisent-elles par la répétition, l’entraînement. Oserais-je ajouter la volonté de bien faire et de trouver du plaisir dans l’exécution et la réussite. Élaborer un projet personnel ou collectif (la pratique collective procure à mon sens une satisfaction encore plus prégnante) contribue précisément au partage, à l’échange bienveillant, laissant de côté la discriminatoire ou la réduction.
3) La découverte
Élément non négligeable consistant en la découverte de nouvelles sonorité, influences musicales.
L’apprentissage (parfois complexe de prime abord) d’un instrument, de sa voix apporte de nouvelles sensations et facultés motrices.
Au-delà, nous pourrons aussi parler d’ouverture à un monde, à un art inconnu ou mal connu. Plusieurs aspects qui se développent au fil de la pratique.
Apprendre également à se connaître (dépasser nos préjugé), à connaître autrui est un facteur essentiel du bien être en société. Un bien être qui doit d’abord passer par soi-même (par la pratique individuelle de l’art musical) avant qu’il ne soit vécu en communauté.
C’est pourquoi il est essentiel de concevoir l’activité sur le principe de « cours collectif globale1 » (ce qui soit dit en passant les EDM, CNR et CRD commencent seulement à entrevoir, car il s’agit pour eux de remettre en question leurs vieux préceptes d’un apprentissage nécessitant de la rigueur mais qui s’accordent surtout à sanctionner, dévaloriser, éliminer, contrôler éludant complétement la notion de plaisir – pour réussir, il faut souffrir au sens propres comme au figuré). Ce qui par la force des choses écarte le cours individuel qui ne possède aucun sens dans le contexte qui est le notre.
4) Élargissement de la culture musicale
Apprendre à tout âge, voilà aussi ce qu’il faut retenir de l’AMA. Aller à la rencontre de multiples instruments et sonorités. S’intéresser à divers styles de musique (rock, jazz, rap, ethnique, religieuse,profane, etc.) aide à activer ou réactiver des connections mentales et surtout à ne pas rester cloîtré dans un univers sonore simplement par crainte de l’inconnu. Apprendre à aimer ou juste apprécier ce qu’on ne connaît pas amène à une grande introspection favorable et bénéfique au maintient de son sens critique, de discernement. En somme, de garder un éveil culturel et cognitif qui, soyons très clair, repousse à tout moment les limites de la démence, de la sénescence et de fait de la privation d’autonomie. Car vieillir est une chose mais vieillir « bien » est absolument primordial.
Avant d’entamer la seconde partie de mon propos, il est une chose essentielle qu’il m’appartient d’exposer. Même si tout est mis en œuvre, même si les efforts de l’apprenti, même si les moyens, les stratégies ont pu être explorés par le professeur, il n’est pas impossible que l’exercice de l’art musical en général ne convienne absolument pas à un individu. Explication : aucune. Incapacité physique ? Osmose avec la matière ? Dans tous les cas la mayonnaise ne prend pas. Dès lors, inutile de persister non seulement dans l’intérêt de l’apprenti mais encore du bon fonctionnement de l’enseignement.
Il est primordial à ce moment là d’admettre et d’avoir le courage d’être clair sur le sujet et les difficultés.
De dire tout bonnement « cette discipline ne vous convient pas ». Dans la majorité des cas, après un entretien de réévaluation les parties tombent d’accord. Comme un véritable soulagement d’assumer une telle décision.